Archive for the 'Culture' Category

29
Fév
12

Habibi

On devait vous en parler dans un joli sujet vidéo sur la sélection du festival d’Angoulême avec plein d’autres BD. Mais finalement, en plus du manque de temps et de différents problèmes sur place, il apparaissait évident qu’il n’y avait que d’une seule œuvre dont il fallait parler. Car, parmi toute la sélection de ce dernier festival d’Angoulême, la bande dessinée qui aurait le plus mérité un prix, quel qu’il soit, et qui est reparti sans rien; c’est Habibi de Craig Thomson.

Scénario et dessins de Craig Thomson. Publié chez Casterman dans la collection Ecritures. 24€95, sorti le 25 Octobre 2011.
Habibi est un conte oriental mais aussi une histoire à vocation universelle. Habibi est un livre-fleuve de plus de six cents pages, fruit de deux années de travail de son auteur, Craig Thompson, déjà remarqué avec Blankets, chronique d’une passion amoureuse publiée en 2004. Habibi est aussi un hommage à la calligraphie arabe, à ses arabesques et ses enluminures, avec ses lignes courbes pleines de sensualité et de grâce. C’est l’histoire de deux jeunes gens, Dodola et Zam. Dodola a été vendue par ses parents à un scribe alors qu’elle était tout juste une jeune fille. Cet homme qui gagne sa vie en recopiant des manuscrits lui apprend la lecture et l’écriture, avant que des bandits ne le tuent et n’enlèvent Dodola pour la vendre à un marchand d’esclaves. Mais la jeune fille, dotée d’un sacré tempérament, réussit à prendre la fuite, recueille au passage un jeune garçon de trois ans – elle n’en a que douze – et s’installe avec lui à bord d’un bateau abandonné, sorte d’arche de Noé échouée en plein désert. Là, pendant des années, elle veille sur lui, lui raconte des histoires « pour l’aider à s’endormir », des histoires « pour nourrir son imaginaire », des histoires « pour le distraire de la faim » ou « pour lui montrer que la vie est plus complexe que les leçons de morale veulent le faire croire ». Et puis un jour, neuf ans plus tard, ils sont arrachés l’un à l’autre, séparés pour longtemps. Dodola devient pensionnaire d’un harem, où elle doit satisfaire le Sultan pendant soixante-dix nuits d’affilée sous peine d’avoir la tête tranchée. Mais le souvenir de Zam, dont elle reste sans nouvelles, ne cesse de la hanter, tandis qu’elle apprend qu’elle est enceinte…

Il m’est extrêmement difficile de résumer l’histoire d’Habibi tant celle ci est d’une richesse quasi abyssale. Le scénario de Craig Thomson, auteur de Un Américain en balade, narre toute la vie, le drame de ses deux personnages dans un monde hostile à leur amour. L’histoire se présente alors comme la peinture touchante de deux âmes sœur, s’opposant et se retrouvant sans cesse. Mais tout autours de ce fil conducteur, de ses deux destins, Habibi développe toute une galerie de personnages extrêmement écrits. Thompson les fait chacun exister dans leurs propres arcs narratifs, le tout en servant le propos, l’intrigue et en ne perdant jamais le lecteur dans un trop plein d’informations. Un scénariste qui puise son inspiration dans de grands comptes et mythes fondateurs, culturels ou religieux, avec cette noble démarche de faire de l’imaginaire une manière de se libérer du monde, et qui lui permet de souligner l’aspect intemporel des sentiments qui lient les deux personnages principaux. Le tout trouve une osmose parfait entre réalité et imaginaire, l’un servant sans cesse l’autre, toujours avec une clarté incroyable.
Mais en plus d’être une œuvre humaniste et imaginaire, Thompson va construire en filigrane tout un sous texte sur une société en déclin, faisant le constat d’une perte d’humanité et de valeurs et du remplacement de tout but par celui d’avoir de l’argent. La richesse des thématiques abordés est proprement hallucinante, et les dialogues extrêmement bien écrits et traduits permettent une pénétration totale dans cette œuvre… Mais ce serait oublier au passage le boulot encore plus hallucinant qui a été effectué graphiquement.

Si le scénario de cet Habibi est un modèle de clarté, de construction et de richesse, il apparait évident que ce qui a pris le plus de temps, d’énergie et de travail est toute la partie graphique. L’artiste américain, visiblement fasciné par la culture orientale et tout l’univers graphique qui en découle, signe un énorme pavé de près de 700 pages lui rendant un brillant hommage tout en puissant dedans pour s’en servir dans son story-telling. Ce dernier peut-être aussi bien qualifier d’assez classique, avec un découpage très fluide, mais aussi, et surtout, d’expérimental, dans certains passages dynamiques ou totalement hallucinés. Partant dans des expérimentation graphique en s’inspirant de la culture oriental pour la mise en page, les cadres, la calligraphie et les représentations divines, Thompson brasse toute une culture et s’imprègne au mieux de ses éléments graphiques. Un énorme amalgame de références culturels et graphiques, qui trouvent toutes leurs places dans une cohérence visuelle assez dingue, passant du réel au rêve avec une aisance incroyable. Thompson a d’autant plus de mérite qu’il maitrise son trait à merveille, notamment sans son chara-design, fleurtant dans le style avec Will Eisner.
Un petit mot sur l’édition de Casterman, publiée dans la collection Ecritures. L’œuvre y trouve un écrin à la fois souple et facile à manipuler malgré les 700 pages, mais également très travaillé, avec un papier épais et mat pour livrer au mieux les contrastes des planches et une couverture relief du plus bel effet.

Habibi est une claque, un long périple au plus prêt de ses deux personnages, d’une puissance émotionnelle incroyable et d’une richesse, à la fois thématique mais surtout graphique. Une œuvre colossale, que son auteur aura mis 8 ans à réaliser, et qui est un immanquable de la bande dessinée américaine !

04
Fév
12

Angoulême 2012: Interview Niko Henrichon

La dernière édition du festival international de la bande dessinée d’Angoulême s’est déroulée du 26 au 29 Janvier dernier. Un festival riche en rencontres et en péripéties (pas très glorieuse pour le rédacteur de ses quelques lignes) mais qui finalement fut une expérience sans précédent autant humaine que physiquement (et surtout pour mon foie). La première personne que nous avons pu rencontrer est le dessinateur de la bande dessinée Noé, projet de longue date porté par Darren Aronofsky et dont nous pensons le plus grand bien ici même. Humble, passionnant et adorable, Niko Henrichon est un artiste simple qui a bien voulu répondre à nos questions dans un très joli cadre situé dans les backsatge du stand Le Lombard. Voici donc son interview écrite.

Absolute Zone: Bonjour Niko. Est-ce que tu peux te présenter, toi et ta carrière ?
Niko Henrichon: Mon nom c’est Niko Henrichon. Je suis canadien d’origine, français d’adoption. Maintenant, je vis en France et je fais de la bande dessinée depuis maintenant 10 ans, après avoir fait des études en Belgique pendant 3 ans. J’ai appris le métier là, et puis j’ai commencé à travailler assez tôt dans les comic-book américain. C’est là où j’ai trouvé, la première fois, du travail et depuis ça, ça ne s’est jamais arrêté. Heureusement d’ailleurs !

AZ: Ton premier job date de 2001, et c’est un épisode spécial de Sandman. Est-ce que tu peux nous expliquer comment tu en es arrivé à travailler sur cette série et comment s’est déroulée cette première expérience ?
NH: Moi, la première fois, j’ai fais comme tous les apprentis dessinateurs de bande dessinée: j’ai envoyé un dossier avec des travaux à tous les éditeurs, incluant tous les éditeurs français et les éditeurs américains. Comme je connaissais les deux langues, j’étais assez à l’aise pour travailler des deux côtés. Donc j’ai envoyé tout simplement partout, un condensé de mes meilleurs travaux d’étudiants. Et puis, la seule réponse positive que j’ai eu, c’était chez DC Comics, la branche Vertigo, qui m’ont dit «ouais ça nous intéresse, on veut bien faire un petit truc de 6 pages». Donc c’est 6 pages le premier truc sur Sandman, et c’était avec l’auteur Bill Willingham, qui allait plus tard devenir le Bill Willingham de Fables, une grande série aujourd’hui. C’est avec lui que j’ai travaillé la première fois et puis c’est vrai que j’ai rarement travaillé avec des auteurs dont j’aimais pas le travail. C’est arrivé très très rarement, donc depuis je touche du bois.

AZ: Et justement, après il t’a invité sur la série Fables pour un épisode…
NH: Oui oui. En fait, l’éditrice (NDLR: Shelly Roeberg) qui s’occupait de mon tout premier projet sur Sandman était la même éditrice qui bossait avec Bill Willingham sur Fables. Et puis, je l’ai croisé dans un festival à Toronto… D’ailleurs c’est souvent comme ça, il faut que les gens sachent qu’on a des boulots parce qu’on croise quelqu’un qui pense à nous soudainement, et puis qui nous rappelle pour du travail. Alors qu’on enverrait un message, ça serait pas la même chose. Souvent, on croise des gens, on a une discussion et ça rappelle à l’éditeur qu’on peut travailler ensemble. C’est vrai que ça m’est arrivé souvent ce genre d’expériences. Et ça s’est passé comme ça, ils avaient un numéro qui n’était pas dans la continuité, isolé. Fables, ça fonctionne par cycle. Et il y a 5/6 numéros de suite qui forment une histoire un peu plus grande. Là c’était un numéro isolé, ça se prêtait bien à changer de dessinateur plutôt que dans un grand cycle. D’ailleurs, ils changent rarement de dessinateur dans un cycle, où c’est important d’avoir une continuité. Donc il cherchait un dessinateur, l’éditrice m’a appelé et je l’ai fais. Malgré que c’était un peu compliqué parce que là, c’est vraiment du mensuel. Faut faire 22 pages au complet par mois. Et je l’ai jamais accepté, sauf pour Fables, parce que j’aimais beaucoup la série et c’était un des derniers coups de coeur que j’avais eu à l’époque. Et puis quand on m’a proposé de travailler dessus, de suite j’ai dis oui. Après j’ai compris dans quoi je m’étais embarqué (rires).

AZ: Après Sandman, tu as réalisé Barnum!, avec Howard Chaykin. Comment s’est passé cette collaboration, sachant que Chaykin est dessinateur ? Il t’a donné des conseils au niveau du dessin ?
NH: Oui oui. En fait avec Howard, j’ai appris beaucoup sur la mise en page américaine. Parce que moi, j’étais d’avance un peu plus franco-belge, comme j’étais allé à l’école en Belgique, donc des mises en page assez standard avec plus de cases par pages. Donc c’est pas le même métier que faire des comic-book américains. Et Howard et David Tischman, son collaborateur, m’ont vraiment mis dans le bain du travail à l’américaine, avec toutes les petites subtilités de mise en page qu’on peu faire. On en a discuté et ils m’ont tout de suite mis à l’aise avec ça. J’ai quand même beaucoup appris parce que Howard écrit son script de la même façon qu’il met en page lui même quand il fait ses propres comic-book. J’ai connu entre temps ce qu’il faisait et donc j’ai vu ce qu’il voulait dire en voyant ses propres comic-book, parce que je voyais bien là où il voulait en venir. Donc ça m’a aidé pas mal.

AZ: Ensuite, tu as travaillé sur la franchise Star Wars…
NH: Euh… Très brièvement. C’est vrai qu’on me mentionne souvent sur internet. Je sais pas pourquoi c’est resté. J’ai travaillé pour un studio de dessinateurs, d’illustrateurs, de story-bord… Des gens qui faisaient du dessin à toutes les sauces. Mais c’était un travail de studio. Il y a mon nom sur le comic-book, mais j’ai fais qu’une infime partie du travail. Mais oui, j’ai collaboré à une histoire de Star Wars, de Superman, de He-Man. J’ai même travaillé sur Dora si tu veux une révélation ! (rires)
AZ: Sur Dora ?! Mais comment t’en es arrivé à bosser là dessus ?
NH: Bah comme je te dis, c’était un studio qui faisait tout. Donc incluant des décors de dessins animés. Voilà. J’ai tout essayé moi ! (rires)

AZ: Toujours chez Vertigo, tu réalises Les Seigneurs de Bagdad, avec Brian Vaughan. Pourquoi, d’après toi, cette œuvre a été la plus importante ? C’est parce que tu avais plus d’expériences ?
NH: C’est le scénario. Franchement… (AZ: Fais pas le modeste !) Nan mais c’est vrai, c’est pas de la fausse modestie. Ce genre de scénario, il suffit que le dessinateur s’en sorte bien, et ça marche de toute façon. Il y a vraiment une bonne structure de base, tout est là pour faire une bonne histoire et si les dessinateurs merdent pas trop, ça passe. Moi dans mon cas, ça c’est bien passé, je pense. En tout cas j’ai eu de bons commentaires. J’avais même été nominé pour un Eisner Award. C’est le pinacle des prix de bande dessinée aujourd’hui. J’avais été beaucoup récompensé pour cette oeuvre là. Mais à la base, c’est simplement une bonne histoire de Brian K. Vaughn. J’ai eu la chance d’être là au bon moment pour pouvoir le faire, et puis d’être disponible. Il y a des gens, des fois, qui ne sont tout simplement pas dispo. Il se trouve que moi je l’étais et puis voilà.

AZ: Tu passes chez Marvel, où tu fais quelques numéros par ci par là (New X-Men, Black Panther, FF…) pour finalement aller voir ailleurs. Comment s’est passé cette expérience dans la Maison des Idées ?
NH: Très bien. Avec Marvel, c’est comme ça, dès qu’on est connu un petit peu ailleurs pour faire autre chose, ils viennent vite te chercher. Et moi ça a été le cas, étant donné que Bride of Baghdad avait été un bon succès et que tout de suite mon nom était associé à ça. Donc y avait un certain enthousiasme à m’engager. Et puis, ils m’ont proposé des projets comme ça. Je voulais pas tellement m’inscrire dans la continuité Marvel parce que, un, j’y connais rien, et puis deux, j’avais pas spécialement envie de ça. J’avais envie de faire des projets chez eux, mais des projets un peu plus marginaux, des choses différentes. Et puis ils m’ont proposé ça. Et du fait aussi que je suis quelqu’un qui aime tout faire, le dessin jusqu’à la couleur, et que dans contexte des comic-book mensuel c’est assez compliqué de faire ça puisque c’est 22 pages par mois, quand on fait tout, c’est vraiment la galère. Donc ils ont été sympas, ils m’ont confié des histoires courtes, ou des histoires où j’avais un long délai pour le faire. Donc c’était très agréable. J’ai pas à me plaindre du tout de la collaboration Marvel Comics. Et si j’avais le temps, j’en referais encore. Le problème c’est que j’ai plus le temps… J’adore ça faire des couvertes, des illustrations. C’est fantastique, c’est vraiment amusant.

AZ: Vous faites donc, le dessin, l’encrage, la couleur… Pourquoi pas le scénario ?
NH: Ah bah ça viendra bien un jour hein, c’est la prochaine étape. Mais c’est vrai que ça m’intéresse, parce que c’est seulement à ce moment là où il y a une homogénéité dans l’œuvre, et qu’il y a un certain avantage parce que le scénario est fait en fonction des capacités du dessinateur. Faut pas non plus tomber dans le piège de se donner des trucs trop facile à dessiner. Ça, ça peut être dangereux. Mais j’aimerais bien écrire un scénario. Ça viendra un jour, j’ai quelques idées. Je sais pas quand, mais ça viendra.

AZ: Venons en à Noé, publié chez Le Lombard, écrit par Darren Aronofsky. Avant de parler de la BD, est-ce que c’est un réalisateur que tu connaissais et appréciais avant ?
NH: Oui, je connaissais et j’appréciais. J’avais pas vu tout ses films. J’avais vu seulement Requiem for a Dream, qui est sont succès culte, et ça m’avait beaucoup impressionné. Donc quand il est venu vers moi avec cette idée, ça m’a emballé… Enfin pas du premier coup. Pour faire court, j’avais reçu son message pendant que j’étais en vacances et j’avais pas réalisé. J’avais mal lu le message ! (rires) J’étais en vacances, donc j’y ai pas porté l’attention que je devrais. Et puis j’ai seulement réécrit plusieurs semaines plus tard, quand je suis revenu de vacances; «Euuh, c’est toujours valide cette proposition ? Ça à l’air intéressant !» et finalement, oui, c’était toujours valide, donc j’ai eu de la chance sur le coup. Donc du coup, après, j’ai vu tout les films qu’il avait fait: Pi, The Fountain The Wrestler… ‘Fin, quand j’ai commencé à travaillé sur Noé, il venait de sortir The Wrestler. Parce qu’avant qu’on puisse signer ce projet, il y a eu pas mal de péripéties. C’était pas si évident de le mettre en production.

AZ: Donc tu es vraiment attaché au projet depuis le début ?
NH: A la base, c’était un projet de film, il y a très très longtemps. Ce scénario là, c’était un peu une passion personnelle pour Aronosfky, ça fait longtemps qu’il y travaille, ça fait longtemps qu’il veut le mettre en scène. Mais bon, c’est un film à gros budget. Et on accorde pas un gros budget à n’importe qui, même les gens connus. Et donc il ne savait quand est-ce qu’il allait le mettre en scène, donc quitte à voir ça… Lui c’est un fan de bande dessinée, il est passionné par ça. Il adorerait travailler sur des projets de BD…
AZ: Il a fait The Fountain en BD.
NH: Oui, The Fountain c’est un peu le même principe si on veut. Il voulait faire le film, il a fait la BD en même temps, finalement les deux se sont fait en même temps. Et nous, ça sera probablement ce qu’on va faire parce que il sont déjà en pré-production. Il y a déjà un studio qui est impliqué. Il reste qu’à choisir les acteurs et mettre en branle le truc. Bon, il peut s’écouler quelques mois, voire quelques années avant qu’on ait un film fini, mais je sais que ça commence très sérieusement, le film. Donc peut-être que Noé sortira au complet avant le film, si ça se trouve même pendant, peut-être le dernier tome sortira même après le film lui même. On verra. C’est deux projets, dans le fond, qui vont se faire en parallèle.

AZ: Quelle est votre méthode de travail à tous les 3 pour réaliser un tome ?
NH: Comment je pourrais dire… C’est pas un script de bande dessinée en tant que tel. Bien que Darren soit un fan de BD, ce n’est pas un scénariste de BD, c’est pas son métier. Donc lui, il a écrit un script qui ressemble plus à un screenplay, à quelque chose qu’on pourrait mettre en scène au cinéma ou à la télévision par exemple. Mais même ça, ça a été réadapté pour faire le film. Donc c’est vraiment comme une structure de base, avec tous les péripéties, les dialogues quand même. Et c’est au dessinateur, en l’occurrence moi, de remettre en ordre et d’adapter le scénario à une forme BD. Donc il y a un petit travail d’adaptation quand même, bien que narrativement, ça se tient très bien et qu’on respecte assez bien la ligne directrice. Mais bon, il y a des éléments qui sautent un peu, il y a des choses qui sont difficiles à gérer en BD, comme le temps qui passe, par exemple. Une bande dessinée ça se lit très très vit quand il y a des cases muettes les unes après les autres, donc pour donner une impression de temps qui passe… Il y a des choses qui sont un peu plus compliquées à gérer en bande dessinée alors on se sert des trucs propres à la BD pour pouvoir arriver à nos fins.

AZ: Est-ce que Darren Aronofsky te laisse une totale liberté sur tes cadres, ton découpage ? Comme c’est un réalisateur assez perfectionniste…
NH: Oui, mais ça, ça n’a pas changé. Il est très perfectionniste sur tous ses projets, même la BD. C’est vrai qu’il veut tout voir, tout approuver, il veut être sûr que ça fonctionne exactement selon l’intention que lui avait dans son scénario. Mais bon, on s’entend bien depuis le début. Et puis chaque fois qu’il a de nouvelles idées, ou des choses à amener, moi je trouve toujours que ça rends service au récit. Donc c’est facile de travailler avec lui, je suis généralement toujours d’accord avec ce qu’il propose. Mais, en effet, c’est pas le scénariste qui te donne le script et qui veut voir l’album fini. Là, il veut suivre toute les étapes, tout le processus, il veut adapter les dialogues en fonction des images que je fais… Il y a tout un travail de collaboration qui est exigeant mais qui est créativement stimulant donc c’est très agréable.

AZ: Noé est une BD qui s’inspire de la Bible avec toute une constructions autours de mythes. Quels ont été tes références et tes sources d’inspiration graphique ?
NH: Quand j’ai lu le script au début, je voyais pas trop où il voulait en venir, je comprenais pas bien… J’imaginais, si on faisait l’histoire classique avec Noé, une grande toge, des sandales, les imageries qu’on connait déjà. J’étais pas partant pour ce genre d’univers. Mais tout de suite, ils m’ont expliqué que c’était super décalé comme univers. D’ailleurs, la fin de l’histoire prends une tournure assez inattendue. Donc le parti pris était de vraiment faire un univers décalé, avec très peu de références à ce qu’on connait déjà. Plus mettre en scène un univers fantastique, post apocalyptique, qui ressemble un peu plus à de la science fiction ou de l’heroic fantasy, si on veut.
AZ: En enlevant toute dimension religieuse ?
NH: Il reste quand même la dimension religieux de base. On parle du Créateur, mais ça c’est pas forcément propre à la religion catholique. C’est plus de la mythologie que de la religion en tant que tel. D’ailleurs, Noé est un mythe de l’ancien testament. Et l’ancien testament est à la base d’une religion qui est multi-millénaire, c’est pas exactement comme le nouveau testament. C’est un autre rythme, c’est une autre façon de voir les choses.

AZ: Quels sont tes futurs projets ? La suite de Noé ?
NH: Ouais ouais, que ça, les trois prochains. Là, je suis sur le deuxième, et je vais enchainer pendant 3 ans là-dessus. Ce sera 4 tomes en 4 ans.

AZ: Quelles sont les dernières BD, films, séries, jeux vidéos… qui t’ont fait kiffer ?
NH: Jeux vidéos ? Mais j’ai pas le temps de jouer aux jeux vidéos ! (rires) Les dernières trouvailles ? Attends, faut que je réfléchisse parce que j’ai découvert des choses qui sont pas nécessairement récentes comme, dernièrement, je suis tombé sur Les Tours de Bois-Maury d’Hermann. J’avais jamais lu ça, donc ça m’intéressais. Je connaissais déjà sa série Jeremiah, c’est un auteur que j’aime beaucoup. Et j’ai redécouvert une série médiévale assez audacieuse et qui est franchement amusante. Mais sinon, qu’est-ce que j’ai découvert d’autres… Si ! Il y a la série chez Vertigo, Scalped, par Jason Arron et R. M. Guéra. Super bien scénarisé et super dessins, vraiment un grand dessinateur. Et puis ça fait plaisir de voir Vertigo toujours se renouveler, toujours avoir de nouvelles séries, c’est assez sympa. C’est à peu près tout. Je suis pas un gros lecteur de BD.

Propos recueillis par Antoine Boudet.
Merci encore à Niko Henrichon pour son temps et ses réponses,
ainsi qu’à Clémantine De Lannoy et Le Lombard.

02
Fév
12

First Wave T1

Le passage de DC Comics chez Dargaud et Urban Comics a créer un flou juridique au près de quelques séries du catalogue de l’éditeur américain. Parmi elles, First Wave, mini-série de 6 épisodes (et quelques spéciaux) écrite par Brian Azzarello, qui réuni Doc Savage, The Spirit et Batman dans le même histoire se déroulant dans les années 30. C’est l’éditeur roubaisiens Ankama qui a récupéré les droit et qui publie en ce début d’année le premier tome. Action, pulp et aventures au programme… même si finalement, le spectacle n’est pas si grandiose.

Scénario de Brian Azzarello. Dessins de Phil Noto et Rags Morales. Edité par DC Comics, publié en français par Ankama. 15,90€ , sorti le 26 Janvier.
Doc Savage est de retour ! Le légendaire homme de bronze siégeant en haut de l’Empire State Building revient pour un face à face historique avec le justicier le plus connu de tout Gotham City : Batman ! C’est un Batman encore jeune qui veille tous les soirs sur la ville, un Batman enclin aux erreurs et aux affrontements directs.
Cette rencontre avec Doc Savage sera décisive dans sa manière d’appréhender la justice. Entre une macabre histoire d’assassinat et ce jeune justicier aux méthodes violentes, Doc Savage aura fort à faire pour rétablir l’ordre et la sécurité à Gotham City…

Brian Azzarello, génial scénariste de 100 Bullets, a montré qu’il savait écrire des histoires complexes dans un style très noir, polar. Alors le voir s’attaquer à 3 grandes figures de l’imagerie pulp des années 30 étaient franchement alléchant. Et la promesse est, seulement en partie, tenue. En effet, Azzarello nous plonge, dans son prélude, dans une Gotham sombre, violente, gangrenée par la pègre et la corruption. Batman apparaît alors à ses débuts comme un personnage ambigu, combattant le mal avec des méthodes assez peu orthodoxes, tandis que le personnage de Doc Savage est lui extrêmement respectueux de la loi. Les deux personnages, qui vont se rencontrer pour la première fois, sont plutôt bien écrit et introduit, surtout pour le personnage de Savage, bien moins connu que son compère l’homme chauve-souris. Une introduction sous forme d’affrontement idéologique et médiatique assez réussi jusqu’à une rencontre en tête assez rapide, peut-être même un peu trop, qui ne laisse pas le temps de voir une relation amicale se lier entre les deux. Ce prologue à la série First Wave, nommé en VO Batman/Doc Savage Special, est assez réussi dans son écriture, mais c’est dans les dessins que l’épisode brille de mille feux. Phil Noto livre des planches d’une beauté incroyable, avec un très joli travail sur les formes et les couleurs. Le story-telling est ainsi toujours lisible, les personnages toujours reconnaissables et l’ambiance très soignée. Un story-telling ultra fluide et un style des plus efficaces… La partie graphique de ce prologue est quasi-parfaite qu’on en regrette que l’artiste ne dessine pas la série principale.

C’est par le suite que le bât blesse, puisque le début de la série principale (dont les 3 premiers épisodes sont publiés dans ce premier tome) est quelque peu en deça du prologue, malgré quelques qualités. En effet, Azzarello fait preuve d’une assez jolie aisaince pour caractériser ses personnages principales comme The Spirit ou Doc Savage. De plus, le scénario, dans sa construction, fait la part belle au récit d’antant, avec une structure qui commence de manière plutôt classique. Malheureusement, Azzarello se perd peu à peu dans son intrigue, multipliant les personnages, les points de vues et les enjeux sans jamais éclaircir la situation, ce qui en laissera plus d’un sur le carreau. Car malgré de bons dialogues, le développement de l’histoire est assez confuse, et demande plus ample explications sur certains points.

Comme dit précédemment, la comparaison, surtout au niveau graphique, avec le prologue fait assez mal. Rags Morales, que beaucoup connaissent pour son boulot sur Infinite Crisis (et bientôt sur Action Comics en VF), est très irrégulier. Si globalement, les planches ne sont jamais désagréables ou illisibles, son travail est sans cesse en demi-teinte, passant d’un story-telling des plus simples et efficaces aux plus lourds et compliqués, ou d’un style des plus travaillés à des cases faites à la va-vite. C’est alors que l’on remarque l’arrivée, dès l’épisode 3, d’encreurs (Phil Winslade, Rick Bryant et Bob Almond) pour l’aider dans sa tâche, chose qui ne peut que nous promettre une amélioration graphique par la suite et que l’on observe déjà dans la dernière partie.

Finalement, ce premier tome de First Wave, par Brian Azzarello, Phil Noto et Rags Morales reste une bonne lecture. Excellent dans son introduction, mais avec un baisse de régime par la suite, cette histoire se laisse lire sans grand mal, avec un certain plaisir de voir ses personnages ensemble, ainsi que de les découvrir pour certains. On attends tout de même la suite avec impatience, qui promet, on l’espère, des dessins bien plus jolis et efficaces et une conclusion de l’intrigue qui clarifie les enjeux.
 Et le mot de la fin sera pour Ankama, qui a fait un excellent travail sur cette série. De la couverture retravaillée au boulot effectué dans le bouquin et le bouquin lui même… Ankama fait preuve d’un vrai talent et on aurait presque envie de les voir d’occuper d’un catalogue de comics bien plus conséquent.

First Bigor

31
Jan
12

Critique: La Taupe

Il y a de ces films qui donnent qu’un semi désir de les voir. La Taupe en fait surement parti. C’est donc avec seulement une semi envie que j’ai accepté de l’invitation de nos amis de chez Cloneweb pour aller voir ce film.

Réalisé par Tomas Alfredson. Avec Gary Oldman, Mark Strong, Colin Firth et Benedict Cumberbatch. En salles le 8 février 2012.
1973. La guerre froide empoisonne toujours les relations internationales. Les services secrets britanniques sont, comme ceux des autres pays, en alerte maximum. Suite à une mission ratée en Hongrie, le patron du MI6 se retrouve sur la touche avec son fidèle lieutenant, George Smiley.
Pourtant, Smiley est bientôt secrètement réengagé sur l’injonction du gouvernement, qui craint que le service n’ait été infiltré par un agent double soviétique. Epaulé par le jeune agent Peter Guillam, Smiley tente de débusquer la taupe, mais il est bientôt rattrapé par ses anciens liens avec un redoutable espion russe, Karla. Alors que l’identité de la taupe reste une énigme, Ricki Tarr, un agent de terrain en mission d’infiltration en Turquie, tombe amoureux d’une femme mariée, Irina, qui prétend posséder des informations cruciales. Parallèlement, Smiley apprend que son ancien chef a réduit la liste des suspects à cinq noms : l’ambitieux Percy Alleline, Bill Haydon, le charmeur, Roy Bland, qui jusqu’ici, a toujours fait preuve de loyauté, le très zélé Toby Esterhase… et Smiley lui-même.
Dans un climat de suspicion, de manipulation et de chasse à l’homme, tous se retrouvent à jouer un jeu dangereux qui peut leur coûter la vie et précipiter le monde dans le chaos. Les réponses se cachent au-delà des limites de chacun…

Sorte d’enquête dont la but est en réalité de démasquer l’infiltré russe au sein des services secrets anglais, La Taupe présente un certain potentiel. En effet, de premier abord, il promet suspense, doutes, et complexité. Malheureusement, peut-être trop complexe, le film lasse vite, et le spectateur, perdu dans un nombre de détails souvent faussement nécessaires, s’embourbe complètement, sans forcement avoir envie de finalement s’en sortir.

Jolie pièce de mise en scène, La Taupe propose malgré tout une imagerie très stylisée et une lumière presque impeccable. Le casting fait lui aussi un sans faute, nous proposant notre Sherlock préféré, Benedict Cumberbatch, en enquêteur débutant. Sa prestation ici confirme une fois de plus qu’un belle carrière s’annonce pour lui, et ce, espérons le, au cinéma. Cependant, le reste du casting, c’est à dire une belle brochette d’acteurs connus et reconnus (de Colin Firth à Gary Oldman en passant par Tom Hardy ou encore John Hurt), n’est pas foncièrement mis en avant. Surement parce que le scénario nous lasse tellement qu’il ne nous permet pas, ou du moins ne nous donne nullement l’envie, de chercher à creuser un peu plus qui sont les différents hommes qui prennent place au milieu de l’investigation. Parce que oui, le grand soucis que pose ce film est qu’avec son scénario digne d’un encyclopédie, on se retrouve face a un film sans la moindre action, et donc d’un plat affolant.

Enfin, je ne sais pas si l’équipe de Cloneweb et moi sommes stupides, mais il faut avouer qu’à la sortie, les indices ayant amenés à determiner qui était la fameuse Taupe m’ont paru très flous, et assez décousus. Peut-être mon manque d’attention face à l’ennui m’a t-il encore joué des tours, ou alors après avoir passé trois heures à nous peindre un tableau complexe, les scénaristes se disent que plus personne n’y comprendra assez pour voir que leur conclusion ne sort plus de nulle part.

Pour finir, je pense que vous l’aurez compris, malgré beaucoup de bonnes choses, La Taupe est un film assez difficile a ingérer. A vouloir jouer sur un scénario trop solide, on finit par légèrement s’y casser les dents. Assez dommage, donc.

Karine La Taupe

28
Jan
12

Affaires de Famille

Will Eisner fait parti de ses grands noms, historiques, de la bande dessinée américaine, qui l’ont marqué et fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. De The Spirit à New York Trilogie, l’artiste a su marquer cet art que l’on chéri temps en cette zone absolue. Alors forcément, quand on reçoit une oeuvre du bonhomme, on est content et on s’en rappelle avec une pointe d’amertume que l’on en lit pas assez. Mais grâce à Delcourt, qui a pratiquement republié toutes ses œuvres (à l’exception de The Spirit et quelques autres), on a maintenant le droit à une collection entière lui étant consacrée, dans un seul et même format. Et l’un des derniers ouvrages en date est intitulé Affaires de Famille et prouve encore une fois, si il le fallait, que Eisner est un génie.

Scénario et dessins de Will Eisner. Edité par Kitchen Sink, publié en français par Delcourt. 12,90€, sorti le 18 Janvier.
À l’occasion du quatre-vingt-dixième anniversaire de leur patriarche, les membres d’une famille se rassemblent le temps d’une soirée. Mais sous le vernis festif de cette réunion familiale affleurent la convoitise, l’ambition, la frustration et les espérances de chacun des membres. Le sort de l’aïeul est également évoqué, et la décision de le placer en maison de retraite tombe.

Ouais bon ok, le pitch parait pas folichon, mais c’est sous estimer le talent d’écriture qu’est Eisner. Ce dernier va ainsi nous plonger la tête la première dans le vie de cette famille, que tout oppose mais qui va se réunir autours de leur père. Et pour nous préparer au mieux, Eisner va d’abord nous présenter chacun des membres de la famille individuellement. En les introduisant de cette manière, Eisner met d’abord en avant leurs individualités et les raisons qui opposent tous les membres de ce groupe de personnes lié uniquement par le sang. Des portraits tous différents, allant du père raté à la femme libertine en passant par la famille qui se veut modèle mais qui vit dans une illusion permanente… Le tout avec une justesse et une simplicité déconcertante. Des pures produits d’un monde moderne qui met en exergue l’individualisme comme vertu, qui vont malgré tout devoir se supporter ensemble pour le temps d’un diner. Avant même le début des hostilités, Eisner montre une aisance et un talent pour peindre le monde moderne assez incroyable grâce à des dialogues d’une précision et d’une efficacité remarquable.

Après ce passage «introductif», Eisner va petit à petit se faire rencontrer tout ce beau monde, créant avec la même simplicité des relations entre des personnages d’une tension des plus palpables. Ses rapports humains vont ainsi être mis en lumière par Eisner, montrant toute la fausseté et l’hypocrisie de l’être humain, toujours dans cette optique individualiste. Car aussi variés soient les problèmes de tous les membres de la famille, la solution qui semble pour eux être la meilleure est la mort de leur père, plein aux as, permettant de toucher un joli héritage. Eisner appuie encore plus (et même un peu trop pour le coup) la thématique de la décadence du monde moderne et de ses valeures. Mais malgré cela, l’artiste new yorkais nous signe une histoire poignante, la peinture d’une famille en apparence tout ce qu’il y a de plus banale pour nous dire des choses bien plus denses sur l’humanité. Chapeau l’artiste.

Si le scénario est d’une richesse incroyable, la partie graphique n’en est pas moins délaissée. Tout en niveaux de gris d’une beauté et d’une maitrise hallucinante, Will Eisner livre ici un travail remarquable, sans cesse inventif dans sa mise en scène. Répétant la même mécanique pour créer un parallélisme dans l’introduction des personnages pour ensuite multiplier les points de vues durant le repas nous offrant une lecture des plus complète de cette famille, Eisner donne une leçon de story telling, d’une fluidité presque évidente.

Eisner arrive, pendant seulement 70 pages, à nous plonger dans cette famille, ses liens et ses déchirures, grâce à un scénario à plusieurs niveaux de lectures, allant du simple drame, à la peinture de l’Homme dans sa complexité et ses contradictions, en passant par une fresque nostalgique. Le tout étant sublimé par des dessins d’une beauté incroyable. Un auteur brillant qui, en peu de pages et avec un sujet anodin, fait preuve de tout son talent. Une petite BD sublime, à dévorer.

Affaires de Bigor

26
Jan
12

Critique: Cheval de Guerre

Pour commencer, je l’avoue, je ne suis pas une grande fervente de Steven Spielberg. Effectivement, il a su bercer mon enfance de doux rêves à base de dinosaures et d’archéologues, le fait est que je n’ai jamais pour autant vénéré le monsieur. J’avais malgré tout une certaine envie de voir War Horse. Je pensais que Spielberg allait nous montrer qu’il était un grand réalisateur. Que dans une époque ou le cinéma est fait de finesse et d’émotions, il saurait peindre avec élégance et distinction cette histoire liant un jeune homme à un cheval. Et le réalisateur qui m’avait tant convaincue enfant, n’a encore une fois pas su convaincre la jeune adulte que je suis.

Réalisé par Steven Spielberg. Avec Jeremy Irvine, Tom Hiddleston, Niels Arestrup et Benedict Cumberbatch. En salles le 22 février 2012.
De la magnifique campagne anglaise aux contrées d’une Europe plongée en pleine Première Guerre Mondiale, « Cheval de guerre » raconte l’amitié exceptionnelle qui unit un jeune homme, Albert, et le cheval qu’il a dressé, Joey. Séparés aux premières heures du conflit, l’histoire suit l’extraordinaire périple du cheval alors que de son côté Albert va tout faire pour le retrouver. Joey, animal hors du commun, va changer la vie de tous ceux dont il croisera la route : soldats de la cavalerie britannique, combattants allemands, et même un fermier français et sa petite-fille…

Tout commence donc avec la rencontre entre un jeune homme, Albert, et un cheval extraordinaire que ce dernier nommera Joey.  Ensemble, ils surpassent leurs capacités, ils ne deviennent qu’un, en quelque sorte. Le jeune homme consacre tout son temps à ce cheval à la volonté de fer, et lui fait acquérir un courage, une intelligence et une volonté de vaincre hors norme. C’est ainsi que même séparés par une guerre violente et sans merci, les deux personnages, car c’est effectivement bien ce qu’est Joey, font preuve d’une foi à toute épreuve. Une foi en l’humanité, une foi en l’amitié, une foi ultime en la bonté universelle.

Maintenant, si il y a bien un aspect qui marche dans ce War Horse, c’est l’aspect émotionnel. Steven Spielberg a sans nul doute un véritable don pour faire ressentir au plus froid des spectateurs des sentiments profonds et sincères. Ici, utilisant un cheval comme figure forte de son récit, et n’ayant ni recours à la pensée du cheval comme dans le livre duquel l’histoire est adaptée, ni à la capacité d’expression des marionnettes de sa version théâtre, Steven Spielberg réussit par une infime maitrise de son découpage à nous faire ressentir ce que Joey ressent, à nous faire vivre ce qu’il vit. Si on doit se reconnaître dans un personnage de ce film, c’est dans ce dernier, et non dans des personnages humains. On rêve d’avoir la force, la passion et le courage de cet animal. Quel incroyable exercice que de placer un animal si peu expressif habituellement sans le moindre artifice au premier plan d’un tel projet, et ce en traitant d’une telle époque !

Malgré tout, comme je vous l’ai dit plus haut, Spielberg n’a pas su me convaincre totalement. Alors oui, il a réussi a faire battre mon cœur, ce qui n’est pas une mince affaire, mais il a aussi réussi à me faire facepalmer à plusieurs reprises. Le mot qui m’est revenu en tête a plusieurs reprises durant le film a été « grossier ». Alors oui, pourquoi grossier ? Parce que malgré un casting à tomber et une qualité émotionnelle pas loin de la perfection, Steven Spielberg ne réussit pas a sortir de ses habitudes de réalisateur très grand publique, et sert une mise en scène et une narration à coup de pâtés. Certains plans sont perturbants, tant leur simplicité nous tombe dessus comme une enclume. Certains, quant à eux, et je parle ici même parfois de séquences complètes, se retrouvent avec des artifices superflus, sois disant hommage, mais malgré tout très désagréables et malvenus. Entre autre, ayant maintenant pris l’habitude de faire des films familiaux, Spielberg a, je le pense, oublié qu’il s’adressait ici à un publique plus mature, ayant la capacité de comprendre une image sans qu’on la lui pré mâche avant ingurgitation.

Quid de la musique, me direz-vous ! John Williams, ami et compositeur fidèle du Grand Monsieur, a t-il su capter et relever au poil le film ? Et si je vous dis que le mot facile me vient à l’esprit quand je pense à la bande originale du film, m’en voudrez vous ? On m’a dit un jour que la musique d’un film était bonne si on ne l’entendait pas. On voulait me dire par là que la musique est bonne si elle sait se fondre parfaitement avec les images, et qu’elle ne prend pas plus de place que nécessaire. Elle doit se contenter d’être là, de remplir sa fonction, mais ne doit pas prendre le pas sur les images ou les dialogues,. Après, peut-être ai-je tort. Mais dans War Horse, il m’est arrivé à plusieurs reprises de ne plus entendre que la musique, que je trouvais alors étrangement calée vis a vis des scènes défilants à l’écran. S’arrêter dans le déroulement de l’histoire, et sortir en quelque sorte de l’intrigue du film parce que la musique ne peut s’empêcher de prendre trop de place, personnellement, je ne pardonne que très peu.

Pour conclure, War Horse n’est en soit pas un mauvais film, loin de là. Malgré tout, il ne peut pas, je pense, satisfaire pleinement une personne qui aime véritablement le cinéma. Tout y est trop facile, trop réchauffé, trop pré mâché pour que l’on puisse se laisser pleinement prendre par le fil du récit. On se laisse avoir par nos sentiments pour apprécier de toutes façons ce film, mais dans un coin de notre tête, on se demande tout de même pourquoi Steven Spielberg est encore considéré comme un Dieu vivant, alors que son travail n’est plus aujourd’hui à la hauteur des attentes qu’il nous a donné l’habitude d’avoir.
Tout ça pour dire, si vous aimez les chevaux, allez voir ce film. Et si vous n’aimez pas les chevaux, allez le voir quand même, Joey vit pas toujours des choses cools, vous pourrez prendre un plaisir malsain à le voir souffrir. Dans tous les cas, bonne séance.

Karine de Guerre.




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