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02
Fév
12

First Wave T1

Le passage de DC Comics chez Dargaud et Urban Comics a créer un flou juridique au près de quelques séries du catalogue de l’éditeur américain. Parmi elles, First Wave, mini-série de 6 épisodes (et quelques spéciaux) écrite par Brian Azzarello, qui réuni Doc Savage, The Spirit et Batman dans le même histoire se déroulant dans les années 30. C’est l’éditeur roubaisiens Ankama qui a récupéré les droit et qui publie en ce début d’année le premier tome. Action, pulp et aventures au programme… même si finalement, le spectacle n’est pas si grandiose.

Scénario de Brian Azzarello. Dessins de Phil Noto et Rags Morales. Edité par DC Comics, publié en français par Ankama. 15,90€ , sorti le 26 Janvier.
Doc Savage est de retour ! Le légendaire homme de bronze siégeant en haut de l’Empire State Building revient pour un face à face historique avec le justicier le plus connu de tout Gotham City : Batman ! C’est un Batman encore jeune qui veille tous les soirs sur la ville, un Batman enclin aux erreurs et aux affrontements directs.
Cette rencontre avec Doc Savage sera décisive dans sa manière d’appréhender la justice. Entre une macabre histoire d’assassinat et ce jeune justicier aux méthodes violentes, Doc Savage aura fort à faire pour rétablir l’ordre et la sécurité à Gotham City…

Brian Azzarello, génial scénariste de 100 Bullets, a montré qu’il savait écrire des histoires complexes dans un style très noir, polar. Alors le voir s’attaquer à 3 grandes figures de l’imagerie pulp des années 30 étaient franchement alléchant. Et la promesse est, seulement en partie, tenue. En effet, Azzarello nous plonge, dans son prélude, dans une Gotham sombre, violente, gangrenée par la pègre et la corruption. Batman apparaît alors à ses débuts comme un personnage ambigu, combattant le mal avec des méthodes assez peu orthodoxes, tandis que le personnage de Doc Savage est lui extrêmement respectueux de la loi. Les deux personnages, qui vont se rencontrer pour la première fois, sont plutôt bien écrit et introduit, surtout pour le personnage de Savage, bien moins connu que son compère l’homme chauve-souris. Une introduction sous forme d’affrontement idéologique et médiatique assez réussi jusqu’à une rencontre en tête assez rapide, peut-être même un peu trop, qui ne laisse pas le temps de voir une relation amicale se lier entre les deux. Ce prologue à la série First Wave, nommé en VO Batman/Doc Savage Special, est assez réussi dans son écriture, mais c’est dans les dessins que l’épisode brille de mille feux. Phil Noto livre des planches d’une beauté incroyable, avec un très joli travail sur les formes et les couleurs. Le story-telling est ainsi toujours lisible, les personnages toujours reconnaissables et l’ambiance très soignée. Un story-telling ultra fluide et un style des plus efficaces… La partie graphique de ce prologue est quasi-parfaite qu’on en regrette que l’artiste ne dessine pas la série principale.

C’est par le suite que le bât blesse, puisque le début de la série principale (dont les 3 premiers épisodes sont publiés dans ce premier tome) est quelque peu en deça du prologue, malgré quelques qualités. En effet, Azzarello fait preuve d’une assez jolie aisaince pour caractériser ses personnages principales comme The Spirit ou Doc Savage. De plus, le scénario, dans sa construction, fait la part belle au récit d’antant, avec une structure qui commence de manière plutôt classique. Malheureusement, Azzarello se perd peu à peu dans son intrigue, multipliant les personnages, les points de vues et les enjeux sans jamais éclaircir la situation, ce qui en laissera plus d’un sur le carreau. Car malgré de bons dialogues, le développement de l’histoire est assez confuse, et demande plus ample explications sur certains points.

Comme dit précédemment, la comparaison, surtout au niveau graphique, avec le prologue fait assez mal. Rags Morales, que beaucoup connaissent pour son boulot sur Infinite Crisis (et bientôt sur Action Comics en VF), est très irrégulier. Si globalement, les planches ne sont jamais désagréables ou illisibles, son travail est sans cesse en demi-teinte, passant d’un story-telling des plus simples et efficaces aux plus lourds et compliqués, ou d’un style des plus travaillés à des cases faites à la va-vite. C’est alors que l’on remarque l’arrivée, dès l’épisode 3, d’encreurs (Phil Winslade, Rick Bryant et Bob Almond) pour l’aider dans sa tâche, chose qui ne peut que nous promettre une amélioration graphique par la suite et que l’on observe déjà dans la dernière partie.

Finalement, ce premier tome de First Wave, par Brian Azzarello, Phil Noto et Rags Morales reste une bonne lecture. Excellent dans son introduction, mais avec un baisse de régime par la suite, cette histoire se laisse lire sans grand mal, avec un certain plaisir de voir ses personnages ensemble, ainsi que de les découvrir pour certains. On attends tout de même la suite avec impatience, qui promet, on l’espère, des dessins bien plus jolis et efficaces et une conclusion de l’intrigue qui clarifie les enjeux.
 Et le mot de la fin sera pour Ankama, qui a fait un excellent travail sur cette série. De la couverture retravaillée au boulot effectué dans le bouquin et le bouquin lui même… Ankama fait preuve d’un vrai talent et on aurait presque envie de les voir d’occuper d’un catalogue de comics bien plus conséquent.

First Bigor

28
Jan
12

Affaires de Famille

Will Eisner fait parti de ses grands noms, historiques, de la bande dessinée américaine, qui l’ont marqué et fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. De The Spirit à New York Trilogie, l’artiste a su marquer cet art que l’on chéri temps en cette zone absolue. Alors forcément, quand on reçoit une oeuvre du bonhomme, on est content et on s’en rappelle avec une pointe d’amertume que l’on en lit pas assez. Mais grâce à Delcourt, qui a pratiquement republié toutes ses œuvres (à l’exception de The Spirit et quelques autres), on a maintenant le droit à une collection entière lui étant consacrée, dans un seul et même format. Et l’un des derniers ouvrages en date est intitulé Affaires de Famille et prouve encore une fois, si il le fallait, que Eisner est un génie.

Scénario et dessins de Will Eisner. Edité par Kitchen Sink, publié en français par Delcourt. 12,90€, sorti le 18 Janvier.
À l’occasion du quatre-vingt-dixième anniversaire de leur patriarche, les membres d’une famille se rassemblent le temps d’une soirée. Mais sous le vernis festif de cette réunion familiale affleurent la convoitise, l’ambition, la frustration et les espérances de chacun des membres. Le sort de l’aïeul est également évoqué, et la décision de le placer en maison de retraite tombe.

Ouais bon ok, le pitch parait pas folichon, mais c’est sous estimer le talent d’écriture qu’est Eisner. Ce dernier va ainsi nous plonger la tête la première dans le vie de cette famille, que tout oppose mais qui va se réunir autours de leur père. Et pour nous préparer au mieux, Eisner va d’abord nous présenter chacun des membres de la famille individuellement. En les introduisant de cette manière, Eisner met d’abord en avant leurs individualités et les raisons qui opposent tous les membres de ce groupe de personnes lié uniquement par le sang. Des portraits tous différents, allant du père raté à la femme libertine en passant par la famille qui se veut modèle mais qui vit dans une illusion permanente… Le tout avec une justesse et une simplicité déconcertante. Des pures produits d’un monde moderne qui met en exergue l’individualisme comme vertu, qui vont malgré tout devoir se supporter ensemble pour le temps d’un diner. Avant même le début des hostilités, Eisner montre une aisance et un talent pour peindre le monde moderne assez incroyable grâce à des dialogues d’une précision et d’une efficacité remarquable.

Après ce passage «introductif», Eisner va petit à petit se faire rencontrer tout ce beau monde, créant avec la même simplicité des relations entre des personnages d’une tension des plus palpables. Ses rapports humains vont ainsi être mis en lumière par Eisner, montrant toute la fausseté et l’hypocrisie de l’être humain, toujours dans cette optique individualiste. Car aussi variés soient les problèmes de tous les membres de la famille, la solution qui semble pour eux être la meilleure est la mort de leur père, plein aux as, permettant de toucher un joli héritage. Eisner appuie encore plus (et même un peu trop pour le coup) la thématique de la décadence du monde moderne et de ses valeures. Mais malgré cela, l’artiste new yorkais nous signe une histoire poignante, la peinture d’une famille en apparence tout ce qu’il y a de plus banale pour nous dire des choses bien plus denses sur l’humanité. Chapeau l’artiste.

Si le scénario est d’une richesse incroyable, la partie graphique n’en est pas moins délaissée. Tout en niveaux de gris d’une beauté et d’une maitrise hallucinante, Will Eisner livre ici un travail remarquable, sans cesse inventif dans sa mise en scène. Répétant la même mécanique pour créer un parallélisme dans l’introduction des personnages pour ensuite multiplier les points de vues durant le repas nous offrant une lecture des plus complète de cette famille, Eisner donne une leçon de story telling, d’une fluidité presque évidente.

Eisner arrive, pendant seulement 70 pages, à nous plonger dans cette famille, ses liens et ses déchirures, grâce à un scénario à plusieurs niveaux de lectures, allant du simple drame, à la peinture de l’Homme dans sa complexité et ses contradictions, en passant par une fresque nostalgique. Le tout étant sublimé par des dessins d’une beauté incroyable. Un auteur brillant qui, en peu de pages et avec un sujet anodin, fait preuve de tout son talent. Une petite BD sublime, à dévorer.

Affaires de Bigor

24
Jan
12

Rising Stars – Acte 1

Il y a des BD cultes, des grandes séries dont le nom les surpassent, qui bizarrement gardent un statut de référence, et dont on a jamais eu l’occasion de lire. Jusqu’à maintenant, Rising Stars en faisait parti. Premiers vrais pas de Joe Michael Straczynski, scénariste réputé grâce à sa série TV de SF Babylon 5, dans l’industrie des comics, cette série en 24 épisodes a connu nombre de galères de publications, que ce soit aux USA ou en France. Et, enfin, Delcourt a décidé de publier l’intégralité de la série dans notre belle hexagone, et en seulement 3 volumes (un tous les 6 mois) et cela à partir de Janvier 2012 avec le premier Acte. Alors, est-elle à la hauteur de sa réputation ? Oui… et non.

Scénario de J. Michael Straczynski. Dessins de Keu Cha, Christian Zanier, Ken Lashley. Edité par Top Cow, publié en France par Delcourt. 22,95€, sorti le 18 Janvier.
En 1969, une boule de feu s’écrase sur une petite ville américaine. Quelques années plus tard, 113 enfants, conçus cette nuit-là, manifestent des pouvoirs surnaturels. Le gouvernement les recense sous l’appellation de « Spéciaux », les traque, tente de les contrôler, mais cherche aussi un moyen de les neutraliser. Un jour, les rangs des Spéciaux se mettent à être mystérieusement décimés…

J.M. Straczynski, qui a depuis fait ses preuves en tant que scénariste de BD avec Spider-Man, Thor ou The Twelve, signe ici l’un des ses premiers boulot dans le comics. L’exercice est d’autant plus nouveau que le bonhomme n’a pas choisi la facilité, puisqu’il a décidé de créer ses propres personnages et son propres univers afin de mieux y apporter ses thématiques et son propos. Une ambition casse gueule mais qui, force est de constaté, a payé, puisque sa construction d’un monde réaliste, à la limite du totalitarisme, stérile de tout espoir pour ses enfants à pouvoir, est très réussi.
Et pourtant, le début est assez surprenant. JMS prends le parti de pas s’étaler sur les raisons de l’évènement qui a donné ses pouvoirs aux enfants pour directement raconter leur enfance, qui va être synonyme de découverte de soi-même, mais également de rejet de la société. Straz décrit ainsi un Etat gendarme, apeuré, qui va directement mettre la main sur eux pour les mettre à l’écart. Ainsi, il va nous dépeindre un monde totalement désenchanté, ne laissant aucunement la place au rêve et développement de ses enfants, qui vont se prendre petit à petit la dure réalité dans la face, comme lorsque l’un d’entre eux va se faire violer par un responsable de leur camp. La noirceur de ce « pilote » est d’autant plus surprenante qu’elle introduit d’or et déjà des thématiques qui seront développées plus tard.

Après une introduction d’un propos aussi noir, JMS s’attaque directement à ce qu’ils sont devenus, tandis que l’un d’entre eux décide de tuer tous les «spéciaux». Ainsi, le scénariste met en scène des personnages, tantôt sans motivation pour vivre, tantôt rongé par ce qu’ils sont devenus, tantôt instrumentalisés… Bref, des enfants qui avaient un potentiel énormissime et qui ont été gâché et/ou utilisé par la société. Cet univers, le scénariste le dépeint par petite touche, à travers le regard de son narrateur, Le Poète, durant son enquête qui le pousse à faire ressortir le passé.
Et pour cela, JMS va usée et reusée des flash-back qui va lui faciliter la tache dans sa narration. Un épisode entier sera d’ailleurs composé de séquence dans le passé lorsque l’une des spéciales qui n’a pas encore découvert son pouvoir va raconter l’histoire de plusieurs enfants et l’ambiance qui régnait entre eux à un de ses collègues. Cette technique, que le bonhomme maitrise, va permettre de donner de l’épaisseur à sa galerie de personnages, qui va s’étoffer petit à petit afin de placer toutes les pièces avant d’attaquer à bras le corps son intrigue.

Une intrigue assez bien menée mais qui, en dehors de l’histoire qu’elle raconte, de l’affrontement entre des personnages que le temps a divisé, va permettre à JMS d’apporter et traiter des thématiques qui lui sont visiblement chères. Le scénariste touche ainsi à peu près à tout les aspects de la figure du super-héros, que ce soit l’aspect divin, boyscoot ou de rejet de la différence par la société. Des thématiques abordées, mais pas encore traitées en profondeur dans cette introduction.
L’intrigue en elle même est plutôt surprenante dans son déroulement, jouant avec les attentes du lecteur, l’emmenant vers du thriller pour finalement lui livrer du drame, ou l’emmenant vers de l’action pour finalement lui livrer un traitement politique de cet univers fantasmagorique. L’exercice de l’introduction de tout un univers était casse gueule, mais JMS l’a réussi grâce à une écriture maligne, intelligente, riche en thématique, qui ouvre sur une suite pleine de promesses.

Si Rising Stars est réussi dans sa partie scénaristique, la partie graphique est bien bien en deçà. Mais on aura vite fait de taxer Rising Stars de BD mal dessinée. Et à première vue, les dessins ne donne pas envie du tout. Avec un style très années 90 (dans lesquels, même aujourd’hui, Top Cow semble rester bloquer), simili de Silversti, Lee ou Finch, les dessinateurs (Keu Cha, Christian Zanier, Ken Lashley) qui se succèdent, et se ressemblent, sur le titre sont assez fragiles, enchainant les problèmes de proportions et les traits trop grossiers pour être honnêtes (comprenez que les encreurs ont du avoir un boulot assez fou).
Mais malgré cela, on peut voir le verre un tiers plein, en parlant d’une mise en page plus efficace qu’elle n’en a l’air et assez dynamique. Alternant entre classique et moderne, la construction graphique arrive à mettre en avant et rendre fluide la narration, tout en flash back, de JMS. Mais le style vient la plus part du temps gâcher cela avec des personnages pas assez différentiables, aux visages tout tordus. A noter également la présence de quelques numéros spéciaux en bonus, et inédit, dont un dessiné par l’excellent Gary Frank. Le tout, sans être totalement à jeter et desagréable, ne rends pas justice au scénario de JMS. On ne peut que être rassuré par la stabilité graphique que va prendre la suite de la série.

Intriguant, intéressant et intelligent sont les 3 mots qui qualifient au mieux ce premier tome de Rising Stars. Un début de réflexion assez ambitieuse qui ne demande qu’à être développée par la suite, avec un Straczynski passionné par la figure mythologique du super-héros (et l’histoire le prouvera). Une belle initiative de la part de Delcourt que de proposer cette bonne série en intégralité en France. Peut-être pas à la hauteur de nos attentes et de sa réputation (pour l’instant), mais dont on attend la suite avec une certaine impatience.

Rising Bigor

18
Jan
12

Locke & Key – La Couronne des Ombres

Locke & Key fut la grande surprise chez Milady Graphics. Pas vraiment attendu, avec une équipe artistique qui n’était pas très connu, malgré un scénariste partageant du sang avec un grand écrivain (Stephen King), le premier tome avait crée l’évènement, créant alors une attente de la suite. Et la suite, si encore une fois elle n’est pas nulle, restait assez brouillon, malgré une ambition scénaristique et graphique qui faisait plaisir. Ce troisième tome était alors attendu sans vraiment l’être. Et nom de Dieu, quelle erreur !

Scénario de Joe Hill. Dessins de Gabriel Rodriguez. Édité par IDW, publié en français par Milady Graphics. 14,90 €, sortie le 20 Janvier.
Le romancier à succès Joe Hill et le dessinateur prodige Gabriel Rodriguez vous invitent dans un monde de terreurs et de merveilles : Locke & Key. Et si surmonter ses peurs était aussi simple que de tourner une clé dans une serrure ? Les ténèbres se referment sur Keyhouse, le manoir de la famille Locke. Dodge poursuit son insatiable quête des mystérieuses clés de pouvoir et est prêt à tout pour les obtenir. Y compris à torturer ses anciens alliés et à assassiner ses ennemis. Bode, Tyler et Kinsey vont devoir mener seuls un combat désespéré pour leur survie.

Cette troisième mini-série, intitulée en anglais Crown of Shadows, a pour elle de succéder à une seconde mini-série assez brouillonne et confuse en terme de scénario, mélangeant les enjeux et arcs narratifs et perdant de ce fait le lecteur. Et cela, Joe Hill en a visiblement pris conscience puisque la première chose qui frappe à la lecture de cet ouvrage est la lisibilité incroyable des arc narratifs et l’évidence des enjeux. Pour cela, le scénariste décide de débuter sa série en traitant un arc narratif par épisode. Le premier se focalise sur Sam et Dodge, le second sur Kinsey et ses potes et le troisième un peu plus sur Tyler et Bode avant de débuter un mélange des intrigues. En faisant cela, Hill découpe son histoire afin de la rendre plus lisible et compréhensible. Chaque arc narratif avance, apporte avec lui de nouveaux enjeux de manière claire et précise. Cette démarche va, en plus, permettre au scénariste de clarifier la situation afin de se faire rencontrer, par la suite, tous les personnages, arcs narratifs et enjeux dans un final incroyablement maitrisé d’une incroyable cohérence.

D’autant que cette construction, au premier abord spéciale et étrange qui devient finalement incroyablement maligne, va permettre à Joe Hill de multiplier et mélanger les genres. Fantastiques, teenage movie, drame et enfin horreur, le scénariste signe ici une synthèse des genres et des leurs codes avec facilité déconcertante. Hill connait ses modèles et livre une série hybride dans ses influences et ses émotions. Là dessus, Hill se re-concentre encore plus sur son casting de personnages, les faisant avancer petit à petit vers le chemin de la rédemption et d’une vie meilleur pour mieux les replonger la tête la première dans le drame qu’est leur vie. En résulte un espoir continue pour le lecteur, voyant toujours la porte de sortie mais s’en éloignant de plus en plus.
Extrêmement intime sur la caractérisation des personnages, Hill n’en oublie pas le rythme et le «divertissement» de son œuvre, en multipliant les idées brillantes, en rapport aux clés et à leurs pouvoirs, permettant au récit de prendre par moment une dimension épique, sublimé par un dessinateur au sommet de son art.

Gabriel Rodriguez avait surpris tout le monde dans le premier tome de la série, avec des dessins d’une maitrise dans le trait et l’encrage dans un style assez cartoon mélangé à des couleurs ternes et dans les teintes sombres créant une ambiance glauque assez hybride, basculant du drame familiale au fantastique avec une facilité déconcertante. Dans le second tome, le bonhomme ajouté une nouvelle dimension à son dessin, notamment par le biais de la couleur, en nous offrant des planches remplies de couleurs, de plus en plus détaillées et précises, expérimentant son dessin et ses cadrages. Et bien dans le trois, le chilien nous fait un très joli mélange des deux. Etant donné le découpage de Joe Hill, et la différence d’ambiance entre chaque épisode, Rodriguez se met au service de l’histoire en adaptant son dessin, ses cadrages, son rythme et son story-telling au grès des volonté du fils King. Le tout soulignant une cohérence et encore une fois une maitrise de la planche à dessin. Tantôt sobre dans sa mise en page, avec une répétition du découpage sur plusieurs planches simplement mais très efficacement, tantôt grandiose et expérimentale dans sa mise en page et son story telling (l’exemple le plus parfait est une scène clé raconté en plusieurs pleines pages, impressionnantes, sans dialogues, ou uniquement les cadres et les détails de Rodriguez exprime ce qui se passe). Le tout, à l’instar du scénario, est d’une diversité mais d’une cohérence bluffante, livrant alors l’un de ses meilleurs travaux.

Sans allé jusqu’à dire que c’est un chef d’oeuvre, ce troisième tome de Locke & Key est une pure merveille, petite pépite comme l’industrie en possède quelques unes. Après un excellente et surprenant premier tome mais un moyen-bien et (trop) attendu second tome, Joe Hill et Gabriel Rodriguez balance la purée comme jamais avec un troisième tome grandiose et inespéré. La série est à son plus haut niveau, autant espéré qu’elle y reste.

Locke & Key & Bigor

22
Sep
11

Atlantic BD

Le monde de l’édition de la bande dessinée américaine en France est en train de fondamentalement changer. Entre DC qui change de maison (Dargaud avec Urban Comics), des grandes boites qui décident de se mettre aux comics (Glénat), il y a également de nouveaux éditeurs, des outsiders, qui débarquent. Parmi ceux là, on trouve Atlantic BD, crée par Fabrice Sapolsky, ancien rédacteur en chef de Comic Box !

Morning Glory Academy, ou Morning Glories (titre original) est l’un des deux titres traduits d’Atlantic BD. Cette série de Nick Spencer, étoile montante de Marvel, et dessiné par Joe Eisma. La Morning Glory Academy est l’un des plus prestigieux pensionnats du pays. Mais un sinistre secret au parfum de mort et de mystère se cache derrière ces murs. Quand six nouveaux étudiants, brillants mais turbulents, y sont admis, ils basculent dans un monde mêlant folie, violence et pédagogie…
Pour être franc et honnête, Morning Glory Academy est LA bonne surprise de ce line-up de sortie. Nick Spencer n’est pas une étoile montante pour rien, et cette série publiée chez Image le prouve. Le scénariste montre déjà une certaine maturité dans son écriture avec ici un excellent scénario, qui joue habilement avec les codes de plusieurs genres, mêlant le teenage movie avec le thriller ainsi que plusieurs pointes d’horreur. La construction et la caractérisation des personnages est exemplaires, efficaces et là aussi, joue avec les clichés et les aprioris. Des personnages forts avec un concept déjà vu mais bien exploité, avec une touche d’originalité. Mais surtout une maitrise du suspense, bouleversant justement nos repères dans ce genre d’histoire.
Cette étonnante maitrise scénaristique est sublimée par les cadrages du dessinateur Joe Eisma. Une mise en page maligne, jouant sur les perspectives et l’espace. Une ambition et un talent pour le cadrage, mais des dessins parfois (souvent) inégaux, avec quelques cases brouillonnes. certains décors paraissent vides, certaines expressions sont assez improbables. Des fautes d’inattention, ou de précipitation peut-être, car son style reste peaufiné et se révèle par moment très efficaces.
Globalement excellent, avec un scénario à la limite du brillant et des dessins prometteurs mais parfois brouillon, cet ouvrage est le seul des 3 à ne pas être simplement une introduction, mais qui démarre déjà sur des pistes d’intrigues. Le duo, et la série, a encore du potentiel sous le manteau, et il ne demande qu’à exploser au grand jour !

Time Bomb, l’autre traductions du label, a été originalement publiée chez Radical. Ecrit à 4 mains par le célèbre duo Jimmy Palmiotti et Justin Gray (Jonah Hex), et dessiné par Paul Gulacy, la série est une série d’action/espionnage.
Une cité sous-terraine bâtie par les Nazis est découverte en plein centre de Berlin. Cette ville a été construite pour permettre à Hitler et ses troupes de survivre à une attaque nucléaire. Mais elle abrite également une bombe Omega, arme de destruction massive capable de détruire toute l’Europe. Déclenchée par mégarde (bande de looseurs), elle va provoquer la fin du monde dans moins de 24h. À moins qu’une équipe de mercenaires sans foi ni loi n’arrivent à remonter le temps de 24 h pour empêcher cela (L’ageeeence touuus risqueeees !). Mais ici comme ailleurs, les meilleurs plans ne se déroulent pas toujours sans accrocs.
Ce premier tome est une introduction très classique de film d’action, avec la présentation des personnages et des enjeux. Le tout est plutôt bien mené, par des scénaristes que l’on sent passionné et connaisseur de ce genre de film. Il n’empêche que cela ne reste qu’une introduction, et laisse donc sur sa fin. Le concept de la série, basé sur le voyage dans le temps (on voit déjà pointer des paradoxes temporels, mais passons) et plusieurs idées sont posées par ce tome 1, ne demandant qu’à être exploitées.
On le sait, les dessins, chez Radical, ne sont pas vraiment un point fort de leurs productions (Last Days of American Crime étant l’exception qui confirme la règle). Time Bomb est donc dessiné par Paul Gulacy, qui a bossé sur des séries comme Batman et Master of Kung Fu, et il faut avouer, c’est pas brillant. Les planches sont très inégales, avec de temps à autres des décors, des visages ou des cadrages qui sortent de lot, mais qui se révèle globalement moche. On remarque également quelques emprunts à d’autres artistes, avec des fulgurences de Butch Guice (les quelques cades muettes de ce tome sont ultra efficaces) ou  de Ethan Van Siver (on retrouve les visages assez improbables propres à l’artiste).
Globalement, ce premier tome est une introduction honnête qui se tient scénaristiquement, mais un peu faible graphiquement, qui sans casser trois patte à un canard, est assez intrigante, tout du moins suffisamment pour susciter une attente de la suite.

Black Box est la seule oeuvre crée spécialement pour Atlantic BD, écrite par Fabrice Sapolsky (dont le premier coup d’essai, avec David Hine, Spider-Man Noir, était plutôt sympa et prometteur), et dessiné par Thomas Lyle.
L’histoire, c’est celle de Ulysse Troy, archiviste à la Maison Blanche, qui va se retrouver plongé dans un flot de secrets et de révélations sur le gouvernement. Sans trop révéler l’histoire, l’oeuvre se veut un thriller sur base de secret et de conspiration (le tout rappelant Wikileaks).
Fort de son concept intelligent au potentiel assez élevé, Sapolsky commence sur de bonnes rails. Se dernier écrit son scénario de manière très télévisuel, avec une construction dynamique, accentué par les révélations à la chaine. Le scénariste, qui a fait des années d’études d’histoire, utilise ses connaissances sur la culture et l’histoire des Etats Unis afin de donner une cohérence, une légitimité. Le problème est que le scénario cède par trop de simplicité, de raccourcis et d’incohérences. Certains passages, assez improbables, sont justifiés à la truelle afin de passer au mieux à la scène suivante, ainsi que d’amener les enjeux prévus. D’autant plus que ce tome 1 ne reste qu’une introduction à quelque chose de plus ambitieux, qui pose des bases assez fragiles malgré ses ambitions.
La partie graphique quant à elle est assez faible. Il respire un goût d’inachevé dans les planches de l’artiste Thomas Lyle (absence d’encrage, visages et décors approximatifs, couleurs fades). Une certaines fragilité dans ses planches qui, malgré tout, là aussi, proposent certains cadrages ambitieux et des découpages dynamiques, avec cette volonté (encore une fois très télévisuel), de coller au scénario de Sapolsky.
Moyen, malgré ses quelques bonnes idées et un fort potentiel qui reste inexploités, Black Box appelle inexorablement à un second tome. Une équipe jeune (dans sa collaboration) qui doit évoluer pour donner plus d’impact à la suite de son œuvre.


Atlantic BD arrive donc sur le marché avec un catalogue de trois titres, de genres variés (action, thriller horrifique et thriller historique) qui a pour vocation d’évoluer, de s’agrandir afin d’accueillir de plus en plus de séries qui n’ont pas la chance d’une publication VF mais également, des ouvrages originaux.
Beaucoup ont critiqué sur internet le peu de pages des albums de l’éditeur, et c’est une critique légitime. Pour du comics, le ratio est assez bas comparé à Delcourt qui fait le double/triple de pages pour 1 ou 2€ plus cher. C’est d’autant plus frustrant de lire 1 ou 2 épisodes des séries proposées car elle suivent un rythme particulier, commun à beaucoup de comics mainstream actuels, qui sont pensés en TPB de 4/5/6 numéros. Mais derrière, il y a la volonté de fournir un véritable travail éditorial. Le format est agrandi, il y a une unité graphique entre chaque œuvre d’un point de vue de la maquette et de la qualité des ouvrages. On reprochera tout de même un traduction assez hasardeuses avec des fautes incroyables («un voyages»). Si l’on voit ses œuvres du point de vue d’un lecteur de franco-belge, le rapport qualité/prix est bon, malgré la plus petite taille des objets ainsi que le contenu très américain dans le style (qui ne sied pas toujours, du moins graphiquement, aux attentes de ce lectorat). Si l’on voit ça du point de vue d’un lecteur de comics, le rapport est très faible mais l’édition est soignée et les séries ne sont pas de gros hits outre-atlantique (ce qui amène une fraicheur au label)
Le line up d’Atlantic BD est donc varié, avec un vrai boulot de la part de l’éditeur. Mais son problème fondamentale est la cible visée. En effet, le risque est de rater les deux cibles (lectorat comics et franco-belge), malgré les qualités des ouvrages. La boite à au moins l’honneur de proposer des séries qui peuvent se révéler être d’excellents outsiders, et défendre une vision du #9èmeArt propre au fondateur du label Fabrice Sapolsky, à savoir que la BD n’a pas de frontière et n’a pas besoin d’être catégorisé)

Bigor BD

24
Août
11

Comic Con France: Interview Adi Granov

Dernière interview from the French Comic Con ! Le site tourne un peu au ralenti, mais c’est pour mieux revenir très bientôt ne vous inquiétez pas. En attendant, voici l’interview du talentueux artiste anglais Adi Granov que Aksel (de Critika) et moi-même avons rencontré (tandis que Bastien était déjà parti et que Xidius se faisait faire un dessin) qui nous parle de son travail, en comics et au ciné, sur le personnage d‘Iron Man, de son prochain projet Astonishing Captain America ainsi que de culture ! Enjoy et rendez vous pour la saison 4 de la Comic Con pour d’autres interviews (ou peut-être même plus tôt…) !

Iron Aksel & Captain Bigor




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