Géniale. Unique. Inattendue. Tels sont les adjectifs que l’on pourrait facilement attribuer à la série américaine Mad Men. Gratifiée d’un immense succès critique (le feuilleton a reçu, et ce depuis sa toute première saison, de nombreuses récompenses comme des Emmy Awards ou des Golden Gobles), la série diffusée sur AMC (chaîne câblée) depuis 2007 bouscule tout. Mad Men nous transporte dans le monde de la pub en plein New York (Madison Avenue plus précisément), au tout début des années 60. Tous les mœurs, les opinions et les croyances de l’époque sont passés au peigne fin. Avec un pitch aussi particulier, la série aurait très bien pu être bancale et ne durer qu’une saison (comme beaucoup d’autres séries qui se sont vus sans lendemains). Ici, il n’en est rien. Zoom sur les ingrédients qui font de cette série un événement immanquable à chacune de ses diffusions.
Mad Men prend le contre-pied de bon nombre de séries en nous racontant une histoire se déroulant dans les années 60 et en y injectant tous les us et les mœurs de l’époque, même les moins glorieux. Tout y est : sexisme, alcool, tabagisme, adultère, homophobie, racisme, antisémitismes … Fait récurrent et presque omniprésent, les personnages ont toujours un verre dans une main, une cigarette dans l’autre, les gens de l’époque faisaient fit des avertissements concernant leur santé . Les femmes sont encore victimes d’une forte inégalité sociale même si certaines commencent à lutter pour leur indépendance comme la sublime Joan Holloway (Christina Hendricks) ou Peggy Olsen (Elisabeth Moss) qui gravira les échelons fur et à mesure des saisons. Le divorce est aussi tabou, les divorcées tombant tout en bas de l’échelle sociale; les femmes mariées ne sont pas épargnées puisque elles sont victimes de l’adultère perpétré par leur mari, pratique courante dans le monde d’autrefois. Tous ces thèmes ne sont pas montrés de façon ostentatoire ou provocante, tout est traité de façon très fine, sans lourdeur aucune et sans redondance, la série redoublant d’ingéniosité à chaque épisode pour délivrer au spectateur un portrait très juste et sans fausse note du tout début des années 60. Pour l’aspect de la série, il est indispensable de dire que tout est soigné, juste au moindre détail : costumes, décors (l’histoire se passe uniquement en intérieur), objets de la vie quotidienne … Les vêtements de la série ont beaucoup inspiré les créateurs de mode dernièrement, car dans la série les hommes sont habillés comme des hommes (ici pas de coupes à la Justin Bieber mais les cheveux courts et bien peignés, pas de blousons ou t-shirts mais costume-cravate) et les femmes portent encore des jupes (sauf pour monter à cheval). Mad Men promet donc une immersion totale dans ce monde si particulier, porté par des personnages tout sauf évident à décrypter.
Mad Men est clairement un bijoux d’écriture, pas seulement pour l’ univers crée autour de l’histoire, mais bien pour l’histoire elle-même. Si l’on devait limiter cette série à un seul personnage, c’est celui de Don Draper (John Hamm), publicitaire de talent dans l’agence Sterling-Cooper et bien que ce soit le personnage principal, personne et pas même le spectateur ne le connait vraiment. En effet, que ce soit pour Draper ou pour les autres personnages, les spectateurs n’ont aucune idée de ce qui se passe dans la tête de ceux-ci. Chaque personnage est une énigme, aucun n’est bon, aucun n’est mauvais, le manichéisme est complètement absent de cette série. Draper est un père, un mari, un employé et à part ça, on ne sait rien de lui. Enfin, rien jusqu’à ce que l’histoire s’accélère et que certains événements nous amène à découvrir son passé, les émotions qu’il ressent … Les scénaristes de la série se révèlent très habiles car à chaque fois que l’on croit cerner le personnage, un autre mystère s’y rajoute et de nouvelles questions se posent. Tout repose donc sur la fameuse question : qui est Don Draper ?
Ce serait avoir tord que de se focaliser uniquement sur Don Draper, car la série profite de nombreux personnages secondaires allant des collègues de bureau, mention spéciale à Pete Campbell (Vincent Kartheiser) et à Roger sterling (John Slattery) qui ne tombent jamais dans la caricature ou dans des raccourcis scénaristiques simplistes, aux femmes qui font partis de l’agence comme Joan Holloway ou Peggy Olsen, tout en passant par la famille de Draper, avec notamment sa femme, Betty Draper (January Jones). Chaque personnage se retrouve face à de nombreuses décisions et il est très intéressant à observer leur évolution dans un monde qui lui aussi se transforme de peu à peu.
La série s’inscrit d’ailleurs dans un cadre historique, élément loin d’être anecdotique surtout lorsque Mad Men raconte de nombreux événements marquants de l’histoire américaine comme l’élection de John Kennedy, son assassinat, les changements sociaux apportés par Martin Luther King, le début de l’émancipation des jeunes, les crises de la Guerre Froide, l’arrivée de la télévision dans les foyers … Tous ces facteurs historiques apportent un souci de véracité à la série, s’inscrivant pleinement dans l’Histoire des États-Unis.
Après avoir analysé le fond, la forme n’est pas en reste car la photographie dont la série atteste est tout bonnement parfaite, reflétant à merveille l’ambiance de l’époque, entre couleurs chatoyantes très old-fashion et scènes plus noires, notamment celles où le passé de Don Draper est évoqué. La musique est excellente elle-aussi, la série proposant une bande-son de l’époque complète et diversifiée, aux nombreuses influences du tout début du rock’n’roll. On retiendra la musique du générique composée par RJD2, qui s’accorde très bien avec le générique lui-même (l’une des intros les plus classes de l’histoire des séries).
Mad Men est bel et bien une série à part, qui mérite toute votre attention et toutes ses récompenses, difficile de ne pas être accro, surtout si on préfère les séries qui n’explosent pas dans tous les sens mais celles qui sont réfléchies et qui s’améliorent avec le temps. Mad Men n’est malheureusement diffusé que sur Canal+ pour l’instant, on peut se rassurer avec la présence des trois premières saisons en DVD et en Blu-Ray dans toutes les bonnes boutiques de vidéos.
Mad Marvel Boy.