Locke & Key fut la grande surprise chez Milady Graphics. Pas vraiment attendu, avec une équipe artistique qui n’était pas très connu, malgré un scénariste partageant du sang avec un grand écrivain (Stephen King), le premier tome avait crée l’évènement, créant alors une attente de la suite. Et la suite, si encore une fois elle n’est pas nulle, restait assez brouillon, malgré une ambition scénaristique et graphique qui faisait plaisir. Ce troisième tome était alors attendu sans vraiment l’être. Et nom de Dieu, quelle erreur !
Scénario de Joe Hill. Dessins de Gabriel Rodriguez. Édité par IDW, publié en français par Milady Graphics. 14,90 €, sortie le 20 Janvier.
Le romancier à succès Joe Hill et le dessinateur prodige Gabriel Rodriguez vous invitent dans un monde de terreurs et de merveilles : Locke & Key. Et si surmonter ses peurs était aussi simple que de tourner une clé dans une serrure ? Les ténèbres se referment sur Keyhouse, le manoir de la famille Locke. Dodge poursuit son insatiable quête des mystérieuses clés de pouvoir et est prêt à tout pour les obtenir. Y compris à torturer ses anciens alliés et à assassiner ses ennemis. Bode, Tyler et Kinsey vont devoir mener seuls un combat désespéré pour leur survie.
Cette troisième mini-série, intitulée en anglais Crown of Shadows, a pour elle de succéder à une seconde mini-série assez brouillonne et confuse en terme de scénario, mélangeant les enjeux et arcs narratifs et perdant de ce fait le lecteur. Et cela, Joe Hill en a visiblement pris conscience puisque la première chose qui frappe à la lecture de cet ouvrage est la lisibilité incroyable des arc narratifs et l’évidence des enjeux. Pour cela, le scénariste décide de débuter sa série en traitant un arc narratif par épisode. Le premier se focalise sur Sam et Dodge, le second sur Kinsey et ses potes et le troisième un peu plus sur Tyler et Bode avant de débuter un mélange des intrigues. En faisant cela, Hill découpe son histoire afin de la rendre plus lisible et compréhensible. Chaque arc narratif avance, apporte avec lui de nouveaux enjeux de manière claire et précise. Cette démarche va, en plus, permettre au scénariste de clarifier la situation afin de se faire rencontrer, par la suite, tous les personnages, arcs narratifs et enjeux dans un final incroyablement maitrisé d’une incroyable cohérence.
D’autant que cette construction, au premier abord spéciale et étrange qui devient finalement incroyablement maligne, va permettre à Joe Hill de multiplier et mélanger les genres. Fantastiques, teenage movie, drame et enfin horreur, le scénariste signe ici une synthèse des genres et des leurs codes avec facilité déconcertante. Hill connait ses modèles et livre une série hybride dans ses influences et ses émotions. Là dessus, Hill se re-concentre encore plus sur son casting de personnages, les faisant avancer petit à petit vers le chemin de la rédemption et d’une vie meilleur pour mieux les replonger la tête la première dans le drame qu’est leur vie. En résulte un espoir continue pour le lecteur, voyant toujours la porte de sortie mais s’en éloignant de plus en plus.
Extrêmement intime sur la caractérisation des personnages, Hill n’en oublie pas le rythme et le «divertissement» de son œuvre, en multipliant les idées brillantes, en rapport aux clés et à leurs pouvoirs, permettant au récit de prendre par moment une dimension épique, sublimé par un dessinateur au sommet de son art.
Gabriel Rodriguez avait surpris tout le monde dans le premier tome de la série, avec des dessins d’une maitrise dans le trait et l’encrage dans un style assez cartoon mélangé à des couleurs ternes et dans les teintes sombres créant une ambiance glauque assez hybride, basculant du drame familiale au fantastique avec une facilité déconcertante. Dans le second tome, le bonhomme ajouté une nouvelle dimension à son dessin, notamment par le biais de la couleur, en nous offrant des planches remplies de couleurs, de plus en plus détaillées et précises, expérimentant son dessin et ses cadrages. Et bien dans le trois, le chilien nous fait un très joli mélange des deux. Etant donné le découpage de Joe Hill, et la différence d’ambiance entre chaque épisode, Rodriguez se met au service de l’histoire en adaptant son dessin, ses cadrages, son rythme et son story-telling au grès des volonté du fils King. Le tout soulignant une cohérence et encore une fois une maitrise de la planche à dessin. Tantôt sobre dans sa mise en page, avec une répétition du découpage sur plusieurs planches simplement mais très efficacement, tantôt grandiose et expérimentale dans sa mise en page et son story telling (l’exemple le plus parfait est une scène clé raconté en plusieurs pleines pages, impressionnantes, sans dialogues, ou uniquement les cadres et les détails de Rodriguez exprime ce qui se passe). Le tout, à l’instar du scénario, est d’une diversité mais d’une cohérence bluffante, livrant alors l’un de ses meilleurs travaux.
Sans allé jusqu’à dire que c’est un chef d’oeuvre, ce troisième tome de Locke & Key est une pure merveille, petite pépite comme l’industrie en possède quelques unes. Après un excellente et surprenant premier tome mais un moyen-bien et (trop) attendu second tome, Joe Hill et Gabriel Rodriguez balance la purée comme jamais avec un troisième tome grandiose et inespéré. La série est à son plus haut niveau, autant espéré qu’elle y reste.
Locke & Key & Bigor