Une fois n’est pas coutume, et pour la première fois dans la Minute Rock, un groupe de rock français est à l’honneur. Et pas n’importe lequel car Noir Désir a été un groupe phare dans le rock français pourtant si peu connu ou peu représenté parmi d’autres styles musicaux de l’hexagone. Heureusement, le groupe de Bertrand Cantat a su repousser plus loin les limites qui délimitait une musique rock encore trop timide à l’époque. Noir Désir est sans nul doute l’un des meilleurs groupes de rock français au destin pour le moins tragique mais pourtant à l’œuvre mémorable. Du bon rock à la sauce française, let’s roll !
Pour sur, la France a beau avoir inventé au fil des siècles beaucoup de choses merveilleuses (pas que malheureusement, la guillotine c’était nous), nous ne sommes pas précurseurs en matière de musique, ce qui est bien dommage, avouons-le. Mais la grande force que nous avons, c’est bien de récupérer de nombreux styles et de les reformuler par nos soins (pour éviter notamment quelques plagiats honteux dont certains artistes de Salut les Copains ont été les instigateurs). Effectivement, à l’aube des années 80, beaucoup de choses se sont déjà passé musicalement parlant dans beaucoup de parties du monde, ne serait-ce chez nos voisins britanniques. Noir Désir fait parti de ces groupes qui ont su hériter des influences anglo-saxonnes de la part des Beatles, d’AC/DC, des Doors, des Clash … Et ça marche, car Noir Désir attise des fans de rock bien fiers de pouvoir dire : « le rock français n’est pas un mythe, il existe ! ». Chose notable à mettre en lumière, Noir Désir cultive aussi beaucoup d’influences dans la littérature, chez Prévert, Edgar Allan Poe, Verlaine, Shakespeare, Lewis Caroll … On sent un vrai travail d’écriture au niveau des paroles des chansons, la plupart écrites par Cantat, ce qui donne un aspect poétique non-négligeable et très apprécié.
L’histoire de Noir Désir commence à Bordeaux, dans une classe de seconde, où un petit groupe se forme, Noir Désirs (avec un s initialement). Après quelques changements au niveau de la constitution du groupe, celui-ci est finalement formé de Bertrand Cantat, Denis Barthe, Serge Teyssot-Gay et Frédéric Vidalenc. L’aventure musicale débute alors en 1987 avec la sortie de leur premier album, Ou veux-tu qu’je r’garde ? L’album a beau ne contenir que 6 titres, il est annonciateur du style du groupe avec des textes lyriques comme Toujours Être Ailleurs ou La Rage, ce dernier exprimant un sentiment que l’on retrouvera dans la plupart de leur chansons suivantes, teinté de rébellion. Malheureusement, ce n’est pas avec ce mini-album que le groupe gagnera ses galons, mais bien avec le suivant sorti en1989, intitulé Veuillez Rendre l’Âme (à qui elle appartient). Rien que le titre annonce la couleur, déjà facilement devinable rien qu’en lisant le nom du groupe. Le succès se fait sentir avec un tube encore aujourd’hui très acclamé, Aux Sombres Héros de l’Amer. Ici encore, le lyrisme est de mise et c’est tant mieux puisque l’imagination purement littéraire s’accorde très bien avec une musique rock terriblement efficace et qui encore aujourd’hui vieillit très bien. Noir Désir popularise sa musique, un vrai bonheur pour les producteurs et les fans, cependant le groupe voit d’un mauvais œil ce grand succès car ils estiment que leur texte a été mal compris, voir banalisé.
Peut-être par soucis de ne pas plaire à tout le monde et à rester rebelles jusqu’au bout, le groupe cultive ensuite une noirceur qui lui est propre dans les deux albums suivants, Du Ciment sous les plaines et Tostaky. On revient à du son pur rock, mais qui peine à convaincre et qui n’attise pas un grand succès. Ce dernier reviendra en 1997, avec l’album 666.67 Club, riche de titres phares comme L’Homme Pressé ou Un Jour en France. Des titres très engagés qui appellent à repousser la mondialisation capitaliste et le fascisme. Une certaine maturité du groupe se fait sentir en 2001 avec l’album beaucoup plus calme que les précédents, Des Visages, Des Figures, qui comporte par exemple des chansons comme Le vent nous portera. Ce fut le dernier album studio du groupe, bien ne se soit pas dissous, l’incarcération de Bertrand Cantat pour le meurtre de Marie Trintignant marqua à jamais l’avenir du groupe qui a survécu tant bien que mal avant l’annonce de la dissolution du groupe en novembre dernier.
Ma musique préférée est, je pense, L’Homme Pressé. Au delà d’une critique assez vraie du système capitaliste où nous vivons, le tempo suivi par le groupe et notamment par Cantat dans son débit de paroles dont chacune attaquent le micro comme des balles de revolver est admirable. Le texte est très bien écrit, à charge pour celui qui l’écoute de déceler les véritables intentions et accusations que le groupe exprime. Une vraie prouesse musicale.
Qui veut de moi
Et des miettes de mon cerveau
Qui veut entrer
Dans la toile de mon réseau
Vous savez que je suis:
Un homme pressé
Malgré un destin au combien tragique, le groupe Noir Désir a laissé une marque très forte dans le rock français, qui lui aussi a pris son envol depuis, mais tout ça, c’est une autre histoire, et ça sera pour une prochaine Minute Rock !
Marvel Boy, un homme pressé.